Avant-propos
Cet avant-propos
n'est pas l'échafaudage d'un principe théorique, mais
lexplication de mon cheminement afin de vous présenter,
par souci de simplicité et non de simplification tous les aspects
dExposition Sauvage.La démocratisation des ordinateurs
personnels est une mutation sociale incontestable et parfois incontournable.
Il en est de même pour les artistes, souvent considérés
en marge du système social.
C'est dans cet
esprit de curiosité bienveillante et de pression indicible,
que j'ai donc acheté un ordinateur, complétant ainsi
la gamme variée de mes outils acquis au fil du temps.
Je l'avais déjà nommé " outil de travail
", puisque le monde l'avait désigné ainsi et lui
avais fait une place dans mon atelier et m'apprêtais à
l'utiliser.La complexité technique de mon ordinateur, son potentiel
varié, et sa gestion immatérielle des informations troubla
l'artisan constructeur que jétais. Face à ces
difficultés, jouvris mon Encyclopædia Universalis,
une édition un peu vieillotte de 1976 et lus la définition
de l'outil.
A ma première
lecture, je fus troublé par l'aspect poétique du texte,
chaque mot résonnait comme une invitation à la découverte
d'autres définitions. Puis, un flot d'images, dévénements
quotidiens vint se télescoper involontairement comme pour vérifier
la justesse des idées développées par cette définition
des outils.
Aux lectures
suivantes, une idée forte simposa : lutilisation
de loutil dépend de son utilisateur. Si l'outil est un
moyen de transformer la nature, comme le suggérait la définition,
il fallait décider de son orientation. Il en était de
même pour moi.
Lentement et
laborieusement, jexplorais les facettes multiples et variées
de mon ordinateur, et comme le dit la définition de mon encyclopédie
la manière machiniste ajoutait à l'aliénation
du travail celle du savoir. Finalement, je découvris
que jutilisais les mêmes outils qu'auparavant
tels que : la scie pour couper, coller, couvrir, ou superposer, mais
ici avec une source immatérielle où le repentir du peintre
est infini et invisible.Cest lidée même de
cette source " sans matérialité ", sans support,
paradoxalement, qui devint rapidement la perspective la plus excitante
de mon outil. En effet, sans effectuer une métamorphose frustrante
et dégradée de l'uvre comme peut l'être
une peinture vis à vis de la photo de cette même peinture,
il était facile de faire varier sa présentation, sa
taille, sa définition, sans pour autant penser que lune
des versions était luvre et lautre la copie
de luvre. La multiplication et la diversification de présentation
me permettaient donc de changer l'accessibilité de mon travail,
d'augmenter sa rencontre et les circonstances de cette rencontre.
Ainsi si Marcel
Duchamp avait amené dans les lieux d'art un objet usuel, son
urinoir, ironique émissaire de l'extérieur, en le présentant
couché, il avait tenté de changer le point de vue du
monde artistique afin qu'il porte son attention sur le monde ; si
Robert Filliou avait affirmé que l'art est ce qui rend
la vie plus intéressante que l'art , il nen restait
pas moins que lexistence de luvre dart "
unique " nous en interdisait la sortie. Avec ce nouvel outil,
je n'avais plus aucune raison de considérer les lieux d'art
comme l'élément exclusif de la rencontre et de l'existence
de mon travail.C'est à ce moment-là qu'est née
lidée d'Exposition Sauvage, comme un croisement, une
rencontre de plusieurs intérêts avec ce quil peut
y avoir daléatoire dans une rencontre.
Javais envie de profiter du potentiel que moffrait mon
nouvel outil, à savoir, me rapprocher de vous, sans dégrader
luvre, simplement en la multipliant et en diversifiant
son mode de présentation et donc les lieux de sa présentation.
Javais
envie de vous parler, à ma manière, de cette définition
des outils, pour sa valeur poétique et philosophique, puisquelle
est au cur de lacte créateur.
En effet, ce qui semble distinguer un peintre en bâtiment dun
artiste peintre tient au regard que chacun deux portent sur
ses outils, puisque tous deux utilisent les-mêmes.
Enfin parce
que cette définition souligne les constats de dysfonctionnement
de notre société, dont nous sommes tous les acteurs.Ainsi,
Exposition Sauvage est une série de 12 images multi-supports
confrontant un outil et une photo " collective ", une photo
de presse accompagnée dun extrait de cette définition.
Aujourd'hui cette
uvre existe sous diverses formes :
Celle de douze
images imprimées, (celles-ci) ayant été exposées
et distribuées tout au long de l'année 1998 dans des
lieux hors contexte artistique tel que les lieux publics ou l'envoi
postal, mais aussi dans un lieu d'art, par le biais de la galerie
Donguy à Paris.
Son mode d'exposition et le choix de son lieu de présentation
sont un complément significatif au sens général
de ces images.
Quant aux envois postaux, ils furent adressés à plus
d'une centaine de personnes chaque mois pendant toute la durée
de l'exposition.
Exposition Sauvage
existe aussi sous la forme d'une source luminescente et dun
fichier sonore sur le réseau de communication Internet. Le
visiteur peut reproduire ces images en utilisant son imprimante personnelle
comme un " atelier " de reproduction.
Enfin, Exposition Sauvage existe sous forme dimages animées,
celles d'un CD-Rom. C'est donc bien plus qu'un simple compte-rendu
de 12 expositions hors contexte artistique qui vous est présenté
ici. Comme le dit la définition : " on peut par extension
métaphorique appeler outil tous les moyens de pensée
".
Enfin, ce CD-rom
vous permet par le biais dInternet de télécharger
une uvre imprimable au format carte postale, afin de poursuivre
son principe d'exposition sauvage chez vous et à votre gré
; ce CD-rom vous offre aussi la possibilité de visiter d'autres
lieux, d'autres artistes
Et quoi de plus élémentaire
pour un artiste que de détourner de sa fonction tout objet
afin den révéler son aspect poétique, de
transformer notre quotidien en un espace de réflexion sur notre
condition.
Xavier Cahen